La Tante Célina

La Tante Célina ayant fait sa récolte de prunes, trié les meilleures pour ses confitures  et ses fameuses galettes aux blosses (tartes aux prunes), donné les prunes tombées et meurtries à ses cochons, envoie son fils en porter un panier au curé du village.
Commentaires du gamin tout en donnant son cadeau au prêtre :
Bondjô Mossieû l' queuré, v'là des blosses, nos treuyes n'a v'lan peu.1
A cheval donné, on ne regarde pas les dents !

Célina était très gourmande.  Un soir, oncle Armand était à la veillée chez elle et il avait dans la poche un paquet de figues.  Régulièrement, il en prenait discrètement une et la mangeait en catimini - du moins, le pensait-il.  Célina ayant remarqué son manège lui dit :
Tu'n va'm quand mém' médji toutes tes fig' tout çeu, çé ma bayi eun ?
et l'Armand de lui répondre :
Dja des fig', mais c'nèm' pou ta geuye!2

Notre père fréquentait avec l'Alice Martin.  De retour d'un voyage à Arlon, il avait acheté pour sa dulcinée un paquet de chocolat au lait, denrée de luxe s'il en était, à cette époque.  Evidemment, il n'avait pris qu'un tout petit bâton, en rapport avec ses moyens financiers.  Alice trouve le cadeau trop minable et le refuse.  Papa, déconfit et mortifié, reprend son présent et s'en va ulcéré.  Il arrive chez la Tante Célina et lui conte sa mésaventure; ensuite, de rage, il jette le paquet de chocolat dans la cuisinière allumée.  Célina s'est aussitôt précipitée sur le poêle pour tenter de récupérer ce chocolat, objet de sa convoitise, mais elle n'a réussi qu'à se brûler les doigts.

La mère Navet avait cuit un énorme rôti de porc pour le mardi de la dicasse aux Bulles; elle l'avait remisé, en attendant le festin, dans le four à pains.  Une bande de jeunes gens dont faisait partie son fils Alfred décident de lui faire une blague, de chaparder le rôti et d'aller le porter chez Célina, sa voisine.  Cette Célina, comme nous l'avons vu, était très gourmande et ne se fit donc pas prier pour déguster ce délicieux rôti en compagnie de la joyeuse bande, ne se montrant pas trop curieuse quant à l'origine de ce morceau de viande.
Le repas terminé, les jeunes gens se rendent chez les Navet afin, soi-disant, de se faire inviter à souper.  N'oublions pas que nous étions le mardi de la fête, jour de réjouissances spécialement réservé aux autochtones.  En fait, ils voulaient surtout se rendre compte de la réaction de la mère Navet devant la disparition de son précieux rôti.

1. Bonjour, Monsieur le Curé.  Voilà des prunes, nos truies n'en veulent plus.
2. Tu ne vas quand même pas manger toutes tes figues, sans m'en donner une.
- J'ai des figues, mais ce n'est pas pour ta gueule.

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