Le Père Narcisse

Le Père Narcisse, farceur incorrigible, voit passer devant sa porte un cycliste poussant son vélo d'une main, la chaîne venant de se casser.
Vèté en panne ?, lui crie-t-il.  T'né, vla eun' tchén'. 1
Et par dérision, il lui donne une grosse chaîne de trait qui relie le harnais du cheval au timon de la charrette, en dialecte local, un harzé.  Mais cette fois, il en fût pour ses frais, car le cycliste le remercie, prend la chaîne et, toujours poussant son vélo à la main, rentre pédestrement chez lui à Suxy.  Il avait réalisé une excellente affaire, car le harzé lui prêté ironiquement par le Père Narcisse valait beaucoup plus que la chaîne de son vélo.  Tel est pris qui croyait prendre !

Le Père Narcisse allait fréquemment passer la soirée chez le Jules Collin.  Mais celui-ci, bien souvent, aurait préféré rester seul, car il aimait se coucher tôt.  Un soir d'hiver, vers les dix heures, alors que le Père Narcisse était là depuis un bon bout de temps, le Collin prend son réveil qui se trouvait sur la cheminée et l'installe visiblement au beau milieu de la table afin de faire comprendre au visiteur importun qu'il est temps de partir.  Le Père Narcisse n'en a cure et continue à bavarder.
A minuit tapante, il se lève enfin et en prenant congé du Jules Colin, il lui dit :
V'là exactuma deux heures qu'u tè min tu réveil sû la tôle.  Asteur', dju m'a vâ.2

1. Vous êtes en panne ?  Tenez, voilà une chaîne.
2. Voilà exactement deux heures que tu as mis ton réveil sur la table.  Maintenant, je m'en vais.

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